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Franchir les frontières commence par soi-même

Au cours de sa carrière, Erik Versavel a été témoin des changements radicaux dans la mobilité internationale et a découvert que la richesse ne réside pas seulement dans ce que l’on vit, mais surtout dans la façon dont on apprend à voir à travers les yeux de l’autre.
19 septembre 2025 par
Franchir les frontières commence par soi-même
ONSS | Sécurité Sociale d’Outre-Mer
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Avec un contrat d’expatrié

« Je travaille presque sans interruption comme expatrié depuis 1989 », explique Erik. « D’abord chez Bank Brussel Lambert, puis chez ING ». Eric a travaillé dans 7 pays différents, dont l’Angleterre, la Corée du Sud, l’Indonésie et la Chine. Et son histoire d’expatrié n’est pas encore terminée : à 65 ans, il dirige un projet ambitieux au Sri Lanka.

« Je n’ai jamais travaillé à l’étranger avec un contrat local, en raison d’une succession de missions internationales. » Il est conscient que c’est un privilège. Autrefois, les contrats d’expatrié étaient la règle, alors qu’aujourd’hui, ils sont plutôt une exception.

Détachements stratégiques

La nature des détachements internationaux a considérablement évolué au cours des deux dernières décennies. « Aujourd’hui, le statut d’expatrié est principalement utilisé pour des destinations difficiles et moins évidentes », explique Erik. « Je constate cette tendance dans ma propre carrière. Je me suis spécialisé dans des régions où la mobilité internationale est loin d’être évidente, des pays où la protection sociale est limitée et où les opportunités pour les professionnels étrangers sont rares, comme la Mongolie ou le Sri Lanka. » Dans de tels contextes, un contrat d’expatrié est souvent le seul moyen d’attirer une expertise étrangère. Mais le système a ses limites. Parmi les obstacles les plus courants : la situation du partenaire, qui n’obtient pas de permis de travail dans beaucoup de ces pays. « Pour les couples à double revenu, c’est un obstacle presque insurmontable. Il s’agit d’un défi structurel qui met sans cesse sous pression la mobilité internationale. »

Plus qu’une aventure

« L’envie de découvrir de nouveaux horizons et de voir son pays sous un autre angle est bien sûr passionnante et difficile à réprimer une fois qu’elle s’est manifestée », explique Erik. « Mais cela demande aussi du courage et des sacrifices. » Ces sacrifices sont souvent négligés dans l’image que se fait le grand public. L’impact sur la famille, un partenaire qui ne trouve pas sa place, le mal du pays ou l’insécurité professionnelle sont des risques réels. Dans la famille d’Erik, chaque décision a été prise collectivement, avec leurs filles, dès qu’elles ont été en âge de le faire. « C’était essentiel », dit-il. « La vie d’expatrié signifie vivre avec des dates butoirs. Après trois ou quatre ans, un nouveau chapitre s’ouvre, on vise un nouveau pays. Ce sont des choix déterminants, non seulement pour soi-même en tant que professionnel, mais aussi pour toute la famille. »

L’impact sur les enfants est important. « Nos filles ont grandi dans des écoles internationales. Aujourd’hui, elles vivent et travaillent à Londres et se sentent chez elles à plusieurs endroits à la fois. Pour elles, le « chez-soi » n’est pas un lieu fixe, mais un sentiment. Elles sont devenues de véritables citoyennes du monde », déclare Erik avec fierté. L’incertitude fait également partie intégrante de l’expérience des expatriés. Une carrière internationale se déroule rarement de manière linéaire. Elle se compose souvent de missions plus courtes, de deux à trois ans. Pendant cette période, vous acquérez une multitude de connaissances et de compétences qui peuvent s’avérer très précieuses. « Dans une économie ouverte où l’expérience internationale devient de plus en plus cruciale, une grande partie du potentiel reste toutefois sous-exploitée », souligne Erik.

Bâtisseurs de ponts

L’exportation et la présence internationale sont vitales pour l’économie belge. Sans cette dimension internationale, notre pays se retrouverait en queue de peloton européen. Si nous voulons conserver ou renforcer notre position, nous devons oser miser sur les compétences internationales, tant sur le plan économique qu’institutionnel. Cela nécessite d’investir dans des personnes qui franchissent les frontières, au sens propre comme au figuré. « Mais les managers internationaux ne sont pas des missionnaires », souligne Erik. « Ce sont des bâtisseurs de ponts, des personnes capables de naviguer avec diplomatie entre les valeurs de la maison mère et la culture du pays d’accueil. Une culture d’entreprise forte offre un cadre solide, mais peut aussi se heurter à des sensibilités locales. »

Pas sans parachute

« J’ai grandi dans un pays doté d’un solide filet de sécurité sociale, et j’ai même eu la possibilité d’emporter cette protection avec moi à l’étranger. La sécurité sociale outre-mer (SSOM) m’a été d’une aide inestimable, un luxe indispensable qui m’a soutenu tout au long de ma carrière », explique Eric.

Franchir les frontières

« Pour notre famille, vivre dans un contexte international est rapidement devenu une évidence. Nous avons trouvé notre place dans la différence. En étant au cœur de cette diversité, on apprend que la culture ne se résume pas à des apparences telles que les habitudes alimentaires ou les règles de savoir-vivre. Ce n’est pas en suivant quelques règles de conduite que l’on peut comprendre ce qui anime réellement une société. La véritable empathie interculturelle va beaucoup plus loin. Elle exige non seulement des connaissances, mais surtout la volonté de comprendre, même si cela peut être inconfortable. Car cela vous oblige à remettre en question vos propres évidences. »

« Chaque culture recèle une force silencieuse : une manière dont les gens essaient d’avancer, non pas malgré leur contexte, mais grâce à lui. Ce qui nous relie vraiment, ce n’est pas une valeur commune, mais une vulnérabilité partagée : le désir universel de donner un sens à sa vie. Vivre à l’international exige de prendre conscience que votre logique n’est qu’une parmi tant d’autres et que votre façon de travailler n’est pas supérieure, mais simplement différente. Cela demande du respect pour les réalités locales et la résilience des personnes qui doivent se contenter de ce qu’elles ont. Ce n’est qu’alors que vous dépassez véritablement les frontières, non pas en voulant changer le monde, mais en vous laissant changer par le monde », conclut Erik.


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